Destinées féminines dans le contexte du naturalisme européen

Dans la psychologie moderne, le terme de « complexe de la Madone et de la Putain » désigne, dans les relations amoureuses, le fait qu’un homme ait le besoin d’une femme vertueuse et d’une autre vicieuse, avec laquelle il accomplira des fantasmes sexuels inavouables. Il est intéressant de constater que dès la fin du XIXème siècle, on retrouve cette dichotomie, notamment dans Nana, où le personnage du comte Muffat est confronté, du moins au début du roman, à ces deux modèles de la Madone et de la Putain. « Pure et intacte, ou bien irrémédiablement fautive et souillée : dans le roman fin de siècle, la femme incarne la Prostituée ou la Madone, et tout le milieu entre ces extrêmes, le vaste territoire de l'aventure libre et individuelle, lui demeure à peu près interdit ». L’opinion de ce critique contemporain est particulièrement clairvoyante vis-à-vis du roman de la fin du XIXème siècle, mais également de la mentalité de la société d’une époque de révolutions dans laquelle les hommes cherchent des repères. La femme se retrouve catégorisée, soit pure, soit perdue, sans aucune chance de rédemption dans ce dernier cas. La « femme fatale » obsède, opposée à la figure maternelle qui attire de par sa douceur. Ces deux mythes occupent une place essentielle dans la création littéraire et artistique, notamment dans notre corpus, composé de Nana d’Emile Zola – 1879 –, de Tess d’Urberville de Thomas Hardy – 1891 –, et d’Effi Briest de Theodor Fontane – 1895 –. En quoi ces deux modèles féminins, qui opposent le vice et la vertu, sont-ils inhérents aux romans fin de siècle et, d’une certaine manière, dénoncés dans Nana, Tess d’Urberville et Effi Briest ? Nous développerons d’abord cette dichotomie entre femme fatale ou virginale, incarnée dans nos trois héroïnes, avant de réfléchir sur la manière dont les auteurs dénoncent d’une manière plus ou moins forte cet état de fait.

En cette fin de