Pendant tout le temps du discours Bougainville et ses hommes n’avaient pas fait un geste. Lorsqu’il eut finit, le vieux botaniste de l‘expédition qui était resté en retrait jusque là s’avança à la hauteur du vieil homme et d’un ton révolté, s’adressa à lui en ces mots :

« Comment oses-tu, toi, ancêtre, faire peur ainsi à tes semblables ! Regarde donc les visages inquiets et même affolés de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants… Depuis que nous avons posé le pied sur vos terres, nous n’avons été que bonté pour vous tous. Nous vous avons transmis notre culture, notre savoir. Les pleurs de cette foule qui vient nous dire au revoir en sont la preuve ! Tu nous accuses d’imposer nos valeurs à ton peuple, mais ne vois-tu donc pas que ce n’est pas dans notre intérêt mais bel-et-bien une chance immense pour vous.
Notre culture est beaucoup plus riche que tes mœurs, nos arts en sont la preuve. Notre savoir est infiniment plus grand que le votre et nous avons essayé de vous en transmettre une partie. Nous vous avons appris à lire et à écrire notre langue. C’est grâce à nous qu’aujourd’hui tu peux dire que vous n’êtes pas des sauvages. Tu prônes que la vie en harmonie avec la nature est beaucoup plus saine, mais grâce à nous, vous êtes maintenant en mesure contrôler cette nature ! Nous vous avons enseigné de nouvelles techniques et apporté de nouveaux produits qui feront la richesse de ton île et le bonheur des Tahitiens. Et grâce à nous, vous êtes à présent en mesure d’honorer Dieu tout puissant. Nous vous avons instruits aux préceptes de Dieu, remplaçant vos fétiches ridicules ! Et tu verras Tahitien, Dieu te sera clément si tu lui rends hommage.

Et après tout ça, vieillard, tu te lamentes que nous sommes animés par un désir de pouvoir et de violence. Mais sans notre aspiration de domination, toi et ton peuple auraient déjà été massacrés par les peuples alentours. Notre force et notre puissance dissuadent quiconque qui souhaiterait vous envahir.