Dissert
Considéré comme le fondateur de l'économie moderne, Smith inaugure dans les Recherches sur la nature... une critique des mercantilistes et des physiocrates en montrant comment des individus qui recherchent l'enrichissement illimité peuvent, grâce à la concurrence du marché, contribuer à l'amélioration de la condition de tous par l'accumulation du capital, facteur de la richesse des nations.
Commentaire critique
Avec La théorie des sentiments moraux (1759), la philosophie morale de Smith avait abouti à une impasse: il n'était pas parvenu à expliquer de manière satisfaisante comment "les vices privés font le bien public". Il reprend cette idée dans Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776), en s'appuyant cette fois sur l'économie politique. Il reprend notamment la logique de la fable des abeilles de Bernard de Mandeville (1704): leur société prospère, fondée sur nombre d'injustices, se met à décliner quand un Dieu leur ouvre les yeux sur leur malhonnêteté. Ainsi, le désir d'enrichissement illimité, passion jugée destructrice pour la société par le philosophe anglais David Hume, peut être au contraire la cause du progrès économique. C'est en recherchant "les causes qui ont perfectionné les facultés productives du travail et l'ordre suivant lequel les produits se distribuent dans les différentes classes du peuple" qu'il parvient à le démontrer.
Smith fait dépendre l'abondance ou l'insuffisance de richesse de deux facteurs. Le premier est "la proportion de travailleurs occupés à un travail utile" (production de marchandises). Pour Smith, le travail utile comprend en effet non seulement l'agriculture, mais aussi la production manufacturière. En cela, il est en rupture avec la doctrine physiocratique selon laquelle l'agriculture est la seule source de richesse. En revanche, son raisonnement revient à rejeter les services dans le travail improductif, ce en quoi il a été critiqué par Jean-Baptiste Say.