Dissertation butor
Jean Echenoz, L’Equipée malaise
L’Equipée malaise, publié en 1986, est le troisième roman de Jean Echenoz. Le récit constitue une parodie de roman d’aventure : l’assaut de la plantation est une opération mal préparée, improvisée, menée sans méthode et sans expérience. La réussite de l’aventure n’est même pas essentielle, dans la mesure où les protagonistes ne se soucient à aucun moment des conséquences de leurs actions et des réactions que celles-ci pourraient engendrer, autrement dit de la gestion et de la pérennité du « pouvoir » dont ils décident de s’emparer ; l’échec et la fuite ne sont par ailleurs pas présentés comme des catastrophes : Pons envisage de refaire sa vie et trouve un « point de chute » à Chantilly, chez Nicole. De la même manière, l’intrigue qui s’organise autour des truands belges constitue un prétexte pour peindre des personnages à la fois ridicules et assez stéréotypés. Même les événements les plus dramatiques (on ne sait par exemple pas clairement ce que devient Tomaso, qui est peut-être bel et bien exécuté) sont traités avec humour et légèreté. L’ellipse de la p. 196 (« Trois heures plus tard, pendant que Toon était allé se laver les mains, Van Os analysait le menu ») donne au passage une absence de gravité caractéristique d’un univers romanesque d’où le tragique, le sérieux et le pathos semblent bannis. Le fait que Toon soit en train de se « laver les mains » évoque dans l’esprit du lecteur l’exécution possible de Tomaso, mais le récit mélange les registres et se concentre aussitôt sur les difficultés que rencontre Van Os au moment de commander son déjeuner. L’échec minable de Van Os et de Toon dans le château d’eau est là pour confirmer le côté « amateur » de cette équipe de braqueurs. Bob, Pons et Paul prennent Van Os en pitié et le reconduisent en ville, ce qui achève de symboliser la chute du gangster. L’Equipée malaise présente le banditisme parisien des années 1980 comme une sorte de jeu sans