Dissertation sur la crise
MICHEL JUVET EST DIRECTEUR DE LA RECHERCHE CHEZ BORDIER & CIE, BANQUE PRIVÉE GENEVOISE.
Chacun a bien compris que dans la crise bancaire, les Etats sont intervenus dans le bilan des banques parce que ces dernières avaient failli sur trois éléments essentiels. D'abord, leurs fonds propres étaient trop faibles. Ensuite, leur dépendance aux financements à court terme, et en particulier au marché interbanques, était beaucoup trop élevée. Enfin, la transparence dans leurs actifs était trop lacunaire. Les Etats et le monde économique travaillent donc depuis de nombreux mois pour rectifier ces éléments afin de solidifier les bilans. Mais personne ou quasiment personne ne s'est penché avant toute chose sur le rôle que les créanciers obligataires auraient pu jouer dans le règlement de la crise. La règle voudrait qu'en cas de profondes difficultés financières, lorsque les actionnaires ont déjà été appelés à la rescousse, c'est au tour des créanciers de se présenter pour assainir les comptes. Mais ici, il n'y a point eu d'appel aux créanciers et ces derniers n'ont pas participé à l'effort commun pour rétablir les bilans des banques. Les Etats sont donc intervenus à leur place, ont apporté leurs garanties et leurs fonds. Les cours des obligations des banques en difficultés sont restés stables et les créanciers ont reçu leurs intérêts et ont été remboursés sans accuser de perte. Pourtant, une restructuration des dettes obligataires (modification des échéances, « haircut » de la valeur nominale des obligations ou transformation de ces dernières en capital par exemple) aurait réparti plus équitablement la charge du sauvetage, évité aux Etats de dépenser autant d'argent, et responsabilisé l'attitude future des créanciers.
Malheureusement, malgré cette leçon, la gestion du cas grec aujourd'hui réplique la même erreur. La Grèce n'a certes pas d'actionnaires vers qui se tourner pour reconstituer ses fonds propres, mais comme