Documment
Le dialogisme, du texte aux agents
Toute saisie d’un objet par un sujet constitue un filtrage, c’est-à-dire une médiation par le sujet récepteur. Celui-ci plaque sur l’objet la grille de présupposés culturels, idéologi-ques, expérientiels, intellectuels qu’il s’est constituée au fil d’une existence et, à moins de se faire violence pour résister à la tentation de caser l’objet nouveau dans les struc-tures du connu, à moins de faire table rase de ses préjugés, ce qui exige une véritable ascèse d’anthropologue, il finit par ne reconnaître que ce qu’il a appris au préalable à connaître (Folkart 1991 : 310).
Qu’il ait affaire à un texte issu de sa culture ou bien à un texte étranger, le traducteur plaquera sa propre grille et ses présupposés, ne traduira du texte que ce qu’il a pu y reconnaître et donc ce qu’il connaissait déjà. Il nous donnera à lire son interpréta-tion, une interprétation parmi d’autres… à moins qu’il ne se fasse anthropologue. Nida et Mounin ont vanté depuis longtemps les vertus de la démarche ethnogra-phique. Le premier y voyait en effet « the most fruitful approach to the semantic problems of translation » (Nida 1945 : 207) et, quelques années plus tard, le second faisait des ethnographes ceux qui fondèrent « les possibilités d’une vraie théorie et d’une vraie pratique scientifique de la traduction » (Mounin 1963 : 241). Les théories de la traduction de ces chercheurs se situaient toutefois dans un cadre résolument structuraliste et, du moins pour Nida, colonialiste ; un cadre empruntant des postu-lats que les anthropologues ont depuis longtemps remis en question. L’ethnographe ne prétend plus « collecter » des données, mais envisage son travail comme un pro-cessus de construction reposant sur une confrontation de points de vue. Cet échange commence concrètement sur le terrain et se prolonge, de façon plus métaphorique, au fil du processus d’écriture. Les théoriciens qui proposent de penser la traduction comme une pratique de