du bellay ces cheveux d or
Ces cheveux d'or sont les liens, Madame,
Dont fut premier ma liberte surprise,
Amour, la flamme autour du coeur eprise,
Ces yeux, le traict qui me transperse l'ame.
Fors sont les noeuds, apre et vive est la flamme,
Le coup, de main a tirer bien apprise,
Et toutesfois j'ayme, j'adore et prise,
Ce qui m'estraint, qui me brusle et entame.
Pour briser donq', pour eteindre et guerir,
Ce dur lien, ceste ardeur, ceste playe,
Je ne quier fer, liqueur ny medecine :
L'heur et plaisir que ce m'est de perir
De telle main, ne permect que j'essaye
Glayve trenchant, ni froideur, ni racine.
Introduction
Joachim Du Bellay est avec Pierre de Ronsard l'un des deux auteurs phares du groupe de la Pléiade qui a fortement renouvelé l'écriture poétique au XVIe siècle en puisant aux sources de l'Antiquité et de la Renaissance italienne.
L'Olive (1549), son premier recueil de poésie amoureuse, est dédié à une maîtresse imaginaire (Olive), sur le modèle du Canzoniere dans lequel Pétrarque avait exprimé son amour pour Laure.
Le sonnet « Ces cheveux d'or... », inspiré par le poème d'un imitateur italien de
Pétrarque (l'Arioste, Rimes, sonnet IX), développe le thème paradoxal du plaisir qu'il y a à souffrir d'amour. Comment ce poncif du lyrisme amoureux s'exprime-t-il dans ce poème ? Du Bellay y entrelace trois métaphores pour dire sa souffrance, mais en même temps il chante les louanges de sa maîtresse, qu'il idéalise, et conclut à son bonheur. 1/ Un entrelacs de métaphores filées pour dire sa souffrance :
– cheveux = liens (v. 1), privation de liberté (v. 2, qui rappelle comment cet amour est né ; passé simple « fut » s'opposant au présent « sont ») ; qualités de ces liens : solidité (v. 5), dureté (v. 8, « m'étreint » ; v. 10 : « ce dur lien ») ; il faudrait une épée pour les rompre (v. 11 et 14, « fer », « glaive tranchant »), allusion au noeud gordien tranché par Alexandre le Grand ; ce noeud très compliqué liait le timon du char