Duekoué 2011
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Marie Miran-Guyon
Avec l’imam Mamadou Doumbia, l’apôtre Georges Kohikan Gbéno, l’imam Souleymane Touré, le père Cyprien Ahouré, et le pasteur Bruno Kozi
Au-delà du silence et de la fureur.
Duékoué (Ouest ivoirien) : rencontres interreligieuses au « Carrefour de la haine »
Cet article donne la parole à cinq guides religieux musulmans et chrétiens de la ville de Duékoué, dans l’Ouest ivoirien, où les pires tueries de la crise post-électorale ivoirienne se sont produites fin mars 2011. Dans ce contexte très sensible sur lequel la justice n’a pas encore fait toute la lumière, l’objet des entretiens n’a porté que sur le rôle qu’a pu jouer le facteur religieux dans la production ou l’effort de prévention de cette grave crise locale aux ramifications régionales, nationales et supranationales.
Il ressort de ces témoignages que les guides religieux ont mené nombre d’actions concertées pour tenter de rétablir la paix sociale, sans pouvoir enrayer la marche morbide des événements. S’il y a eu des tensions et certaines violences interreligieuses à l’échelle méridionale (principalement contre la communauté musulmane), à Duékoué tout au moins, ces imams et hommes d’Église ont contribué au mieux de leurs possibilités, au vu des circonstances délétères, à empêcher que la flamme religieuse ne vienne embraser le conflit militaro-politique.
Le nom de Duékoué est tragiquement devenu synonyme des violences les plus meurtrières de la crise post-électorale qu’a traversée la Côte d’Ivoire du 28 novembre 2010 à avril-mai 2011, laquelle crise fut aussi la plus grave de l’histoire récente du pays. Duékoué est une ville carrefour de la région du
Moyen-Cavally, ouverte sur le Liberia et la Guinée. Comme tout l’Ouest ivoirien, eldorado du cacao et d’autres matières premières, la ville a été en proie à des tensions et à des conflits militaires et intercommunautaires endémiques depuis la crise du 19 septembre 2002 qui divisa