Démocratie et totalitarisme
Poser crûment la question du lien entre totalitarisme et démocratie heurte le sens commun, tant les termes paraissent antagonistes. Dans le langage courant, le terme « démocratie » est en effet devenu synonyme de régime de libertés. A titre d’exemple, lorsqu’on parle des révoltes en Tunisie et en Egypte, on retient que leur population aspire à la liberté, donc à la démocratie. Dans ce contexte, la question de la relation entre démocraties et totalitarismes ne trouve pas de sens, d’autant plus que la seconde moitié du 20ème siècle a vu la victoire des premières sur les seconds (2ème guerre mondiale puis « guerre froide »), confirmant ainsi leur opposition fondamentale. Afin de sortir de cet apparent non-sens, il convient d’analyser ce qu’est effectivement une démocratie, d’en dépasser le sens implicite, voire d’en casser le mythe.
Développer une analyse pertinente sur la démocratie est de nos jours rendue difficile par le fait que ce régime est implicitement et communément présenté comme un « horizon indépassable ». Churchill ne déclarait-il pas qu’il constituait « le plus mauvais système de gouvernement, à l’exception de tous les autres qui ont pu être expérimentés dans l’histoire » ? Y jeter un regard critique est donc rapidement perçu comme anti-démocratique, donc réactionnaire et ennemi de la liberté du peuple. Il en résulte une forte auto censure sur le sujet.
Etymologiquement, démocratie signifie « souveraineté du peuple » (du grec dêmos : peuple et kratos : pouvoir, souveraineté). Abraham Lincoln l’a définit au 19ème siècle dans une célèbre formule ornant son mémorial à Washington et que les jeunes américains apprennent par cœur : « le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Ce principe, par ailleurs repris dans la constitution française (article 2), est intéressant autant pour son contenu que pour sa postérité : le terme « peuple » est y utilisé trois