Ecrire, c’est... Écrire, c’est affronter des gens que nous n’avons jamais vus pour leur dire des choses qu’ils ne connaissent pas. Écrire, c’est aller vers celui qui n’est pas comme nous pour le surprendre en lui donnant une image de nous, différente de celle qu’il avait avant de commencer à nous lire. Écrire, c’est vouloir être entendu des AUTRES, parce que, jamais, différents comme ils le sont, étrangers qu’ils nous sont, ils ne peuvent vivre ce que nous vivons, tout juste l’entendre, l’imaginer. Écrire, c’est partager des différences, des sentiments différents, des histoires différentes, des haines différentes, des souvenirs différents que relient pourtant de mêmes événements. Écrire, c’est envoyer une lettre à ceux qui ne nous aiment pas. Nous n’écrivons pas pour ceux qui nous aiment. Ou alors par vanité. A ceux qui ne nous aiment pas, aux lointains, impuissants que nous sommes à leur parler, nous écrivons d’étranges métaphores, miroirs aux alouettes, lacets et rets où, nous l’espérons, ils se laisseront prendre. C’est entre les lignes de ces pièges écrits, entre les mots, tapis, sous-entendus, insinués, ellipsés, que se trouve ce que nous avons eu le plus de mal à leur dire. Ce que nous avons jugé impossible de leur révéler mais qui remplit les pages. Impossible, impensable, parce que cela n’a pas d’existence officielle, reconnue, quantifiable, matérialisable. Parce que c’est interdit, tabou, nié, secret. Invisible et innommable. Écrire est une utopie. Par définition, l’absence de lieu, d’espace. Il s’agit d’exister dans un espace qui n’était pas là avant que nous ne l’écrivions. Nous autres, écrivains, ne savons écrire que l’UTOPIE : ce qui n’est pas là, ce qui n’est plus là, ce que nous ne sommes pas, ou ce que nous ne sommes plus, à des gens qui ne sont pas ce qu’ils sont, ou ne sont plus ce qu’ils étaient. Nous ne savons écrire que l’ABSENCE. L’absence est une réalité parallèle mais telle l’absence de l’être aimé, elle prend toute la place. Nous ne savons