Existe-t'il un droit de mentir ?
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Pierre PACHET Existe-t-il un droit de mentir?
Un homme est arrêté. Des représentants de la loi - qui sont en réalité les représentants d'un pouvoir tyrannique, les sbires d'une faction - requièrent du détenu, Pablo Ibbieta, qu'il livre son complice, son ami Ramon Gris. Il commence par mentir: "Je ne sais pas où est Gris, répondis-je. Je croyais qu'il était à Madrid....Naturellement je savais où était Gris: il se cachait chez ses cousins, à quatre km de la ville." Ibbieta est anarchiste ou proche des anarchistes, mais la proximité de la mort fait qu'il se détache de son idéologie et de son appartenance politiques et n'accorde plus aucune importance à rien: pour "faire une farce" aux phalangistes, lorsqu'il est interrogé à nouveau - sous la menace d'être "exécuté sur-le champ", il ment une deuxième fois, mais en un autre sens: "Je sais où il est", dit-il. Il est caché dans le cimetière. Dans un caveau ou dans la cabane des fossoyeurs." Les soldats partent vérifier, et à leur retour à sa grande surprise Ibbieta n'est pas fusillé. Vers le soir, il apprend d'un détenu nouvellement arrêté qu'en fait Gris a été trouvé et abattu. "Il a dit: "Je me serais caché chez Ibbieta, mais puisqu'ils l'ont pris j'irai me cacher au cimetière." Ils l'ont trouvé dans la cabane des fossoyeurs." Son second mensonge, loin de préserver son camarade, a provoqué son arrestation et sa mort. Entendant cela, Ibbieta éclate de rire; il rit aux larmes: sans doute le sentiment de l'absurde, puisque, vous l'avez reconnu, je viens de résumer la nouvelle de Sartre, "Le Mur", parue en 1939, dans la suite de l'émotion causée