Faut-il des lois mémorielles?
Dans son ouvrage « Les abus de la mémoire », Tzvetan Todorov fait cette remarque inquiétante : « En cette fin de millénaire, les Européens, et tout particulièrement les Français, sont obsédés par un nouveau culte, celui de la mémoire ». Nous serions donc devenus des « hypermnésiques », des maniaques de la mémoire, des adeptes de la « boulimie commémorative ». On peut se poser la question si notre affirmation d’un « devoir de mémoire » n’est pas allée trop loin et s’il ne faut pas laisser le « travail de mémoire » aux historiens? Ainsi, il arrive que le droit français emprunte non seulement les habits de l’histoire mais le dépossède de sa matière en lui imposant une interprétation du passé,soit en prescrivant par voie d’autorité ce qui doit être l’histoire, soit en interdisant telle ou telle vision du passé en recourant à la sanction pénale. La substitution opérée par le droit est cependant motivée par le respect de la mémoire de certaines groupes sociaux-culturels, mémoire qui participe à l’histoire sans toutefois se confondre avec elle. Une substitution, donc, de la mémoire à l’histoire qui prend la forme de lois dites « mémorielles ». Lorsqu’on parle de lois mémorielles, on vise des textes adoptés par le Parlement selon la procédure législative, dont l’objet exclusif ou principal est de commémorer ou de reconnaître l’existence d’un événement passé en se bornant à en affirmer la réalité mais sans créer de norme juridique. L’année 2005 s’est achevée en France sur une vive controverse apparue à propos de l’article 4, alinéa 2 de la loi du 23 février 2005 - loi mémorielle portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. Ce type de lois à vocation mémorielle semble devenir récurrent ces dernières années avec la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, la loi du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en