Faut-il préférer l’illusion à la vérité ?
Cependant, est-il raisonnable de combattre toute illusion ? L’illusion, contrairement à l’erreur et au mensonge qui se caractérisent respectivement par la fausseté du jugement et l’intention manifeste de tromper, ne peut être réfutée. Croire que l’on peut devenir riche en jouant au loto ou qu’un jour on sera récompensé pour toutes les souffrances subies dans sa vie terrestre, ce sont là des croyances que nul argument rationnel ne pourra jamais réfuter [mise en avant du caractère nécessaire de l’illusion]. L’illusion a cela de particulier qu’elle persiste après démonstration ; c’est là une croyance irrationnelle mais nécessaire, propre au fait que nous soyons, comme le disait Spinoza, « des êtres de désir. »
Bien loin d’être seulement tromperie qui se joue de nous, (comme le suggère l’étymologie latine illudere, c-a-d « se jouer de »)
, tromperie dont il faudrait se débarrasser, l’illusion constitue, en réalité, une composante essentielle de nos vies humaines : par la richesse de notre imagination, nous créons un monde qui est plus conforme à nos attentes. Nous enracinant au plus profond de nos désirs et de nos exigences, l’illusion apaise nos angoisses existentielles et nous éclaire par un idéal rassurant qui, s’il reste inaccessible, a néanmoins le mérite de rendre nos vies plus douces. Si le but de l’homme est son bonheur, ne faut-il pas, en définitive,