Femme nue femme noire
Senghor a toujours revendiqué pour son œuvre poétique l’héritage de l’oralité africaine, en premier lieu celui du patrimoine oral du Sénégal, mais plus largement celui de l’Afrique noire tout entière (à une époque qui était au panafricanisme culturel) comme fondement de sa poétique. Il l’affirme à maintes reprises dans des interviews, dans sa correspondance, dans ses essais, notamment « L’apport des Nègres à la poésie francophone », une communication qu’il avait donnée à l’occasion d’un colloque organisé à Hautvillers en 1975 par Pierre Emmanuel et Edouard Maunick et intitulé Rencontre des poètes francophones. Dans une lettre qu’il adresse un peu plus tard à « trois poètes de l’Hexagone » (Pierre Emmanuel, Alain Bosquet, Jean-Claude Renard), il rappelle qu’à l’origine de sa vocation « il y a les trois poétesses populaires de [ses] villages, Djilôr (…)et Jooal, [ses] trois grâces » (3701) comme il les appelle encore : Koumba Ndiaye, Marône Ndiaye et Siga Diouf, qu’il dit avoir écoutées avant l’âge de dix ans. « Ce sont elles, écrit-il, qui, par leurs poèmes-chants et leurs commentaires, m’ont révélé les caractères essentiels de la poésie sérère et, partant de la poésie négro-africaine » (387-88). C’est d’une part dans ce qu’il appelle « les images folles », d’autre part dans les « rythmes syncopés » que Senghor, toujours dans cette même lettre, voit deux aspects essentiels de l’héritage oral africain dans la poésie nègre francophone en général et dans la sienne en particulier. Pour ce qui est de la question du rythme, il y revient maintes fois, notamment dans la Postface d’Ethiopiques : « Seul le rythme provoque le court-circuit poétique et transmue le cuivre en or, la parole en verbe » (160), puis dans sa longue Lettre aux trois poètes de l’Hexagone où il écrit encore (394) :
Ces vertus de la parole poétique