Filles de l'est: construction sociale de la feminité
« Filles de l’Est » : construction d’une féminité racisée
Dominique GIABICONI1
A la chute du mur de Berlin, des flux migratoires en provenance des anciens états socialistes et à destination de l’Europe de l’ouest ont pris un essor inédit depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Ces mouvements de population, largement féminisés, sont essentiellement individuels et concernent un large éventail de milieux sociaux. Dans ces flux, les femmes ont une visibilité dont elles ont rarement bénéficié pour d’autres courants migratoires (Golub & Morokvasic & Quiminal, 1997). Qu’elles soient prostituées2 ou « fiancées » d’agences matrimoniales internationales, loin d’être invisibilisées elles occupent une place surexposée, objet de l’attention médiatique et politique. Femmes et étrangères, ces personnes en migration sont doublement minoritaires3, doublement dominées. Des rapports sociaux inégalitaires produisent et sont reproduits par un processus de catégorisation4 visant à naturaliser la domination de ces femmes. La construction sociale du masculin et du féminin, assigne à chaque sexe des rôles, des « devoir être » « naturels ». Les identités sexuées se construisent de façon dialectique, masculin et féminin font système. La domination des femmes dans ces rapports hiérarchisés est légitimée et repose en partie sur la « naturalisation » des caractères qui définissent la féminité. L’opposition hommeculture/femme-nature est l’un des piliers de ce système (Mathieu, 1973 ; Bourdieu, 1998). Comme la femme, l’étranger est soumis à des rapports de domination, naturalisés par un
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Allocataire-moniteur (Université de Provence – LEST). L’emploi des mots « prostitué » ou « prostitution » seront utilisés dans ce qui suit, plutôt que « travail du sexe » ou « travailleur du sexe ». Même si ces expressions sont porteuses de connotations fortes, il nous semblait difficile d’appliquer le terme