Force et vertu - Machiavel
La force et la virtù
Echapper aux situations périlleuses, premier devoir du prince, peut s’opérer par la « virtù », mot toscan que l’on peut traduire par « mérite », « vaillance » ou encore « valeur » (de racine latine virtu, la force virile). Le chapitre VI du Prince traite des conquêtes que l’on fait par sa propre « virtù », c’est-à-dire des cas où la monarchie nouvelle est fondée par un prince nouvellement arrivé au pouvoir. Machiavel y écrit : « la nature des peuples est changeante ; et il est facile de les persuader d’une chose, mais difficile de les maintenir en cette persuasion. Aussi faut-il être organisé de façon telle que, lorsqu’ils ne croient plus, on puisse les faire croire de force. Moïse, Cyrus, Thésée et Romulus n’auraient pas pu leur faire observer longuement leurs institutions, s’ils avaient été désarmés. De même arriva-t-il à notre époque au frère Jérôme Savonarole, qui s’effondra dans ses nouvelles institutions dès que la foule commença à ne plus croire en lui ; et il n’avait pour sa part aucun moyen de tenir assurés ceux qui avaient cru en lui, ni de faire croire les incrédules. »
Moïse et les autres grands exemples présentés par Machiavel sont ces « prophètes armés » qui possèdent la vaillance – à la différence d’Agathocle (voir ce cours), qui, lui, n’a que de la scélératesse. De plus, par cette vaillance, ils savent conquérir la première place – à la différence de ceux qui y parviennent par les armes d’autrui ou par la fortune, comme Cesare Borgia, et qui doivent recourir à la ruse pour s’émanciper et exercer leur propre autorité. (Sur Jérôme Savonarole, voir ce cours.)
Encore une fois, persuader, convaincre, ruser, tromper ne suffit pas. Les gens changent aisément de conviction ou de suffrage, pour une raison simple : « les hommes changent volontiers de maître en croyant trouver mieux. » Aussi faut-il savoir forcer autrui.
I. L’usage de la violence dans le Prince
Dès le chapitre III, Machiavel est d’une