Frankenstein
I. Le thème de la démesure et la frontière entre l’humain et l’inhumain
Le passage des pages 74-75, lorsque le docteur commence la réalisation de la créature, marque une phase de transition de l’humain à l’inhumain chez Victor. D’une part, il existe une apparente volonté de l’Homme de se hisser au rang de Dieu évoquant le thème de la démesure car il s’agit d’une sortie de sa nature, de son rang : « Une nouvelle espèce me vénèrerait comme son créateur. » Apparaît également l’idée d’aller contre les règles, les lois de la nature ; de dominer la nature plutôt que la maîtriser et donc de changer l’ordre naturel. Il s’agit pour Frankenstein d’être le créateur d’un nouvel ordre naturel et donc de maîtriser cet ordre, avec l’idée de révoquer l’ordre établi : « déverser un torrent de lumière dans les ténèbres de notre monde » ; cela apparaît comme une revendication solitaire de supériorité absolue. Il est celui qui apporte la lumière, il devient un dieu. Cela fait également écho à l’idée de l’obscurantisme actuel ; Victor sauve le genre humain de l’ignorance. Il prend par conséquent peu à peu des caractéristiques divines. La démesure apparaît également dans l’idée de reconnaître l’existence de limites apparemment infranchissables pour le genre humain selon les règles établies par la nature mais l’objectif premier est de franchir ces limites, aller au-delà des limites du genre humain et ainsi se placer au dessus des Hommes : « La vie et la mort étaient à mes yeux des limites idéales qu’il me faudrait d’abord franchir », « rendre la vie à un corps que la mort avait apparemment condamné à la putréfaction. » Mais cette volonté de se hisser au rang de Dieu dans la démesure semble l’entraîner vers l’inhumain. La réalisation de la créature est un travail solitaire, ce qui évoque la démesure dans la supériorité à l’ensemble du genre humain. Mais cette solitude semble mener Victor à la folie. Sa création génère un déchaînement de passions, s’accompagne d’une