Gagne t-on à perdre ses illusions ?
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’’Est illusion le leurre qui persiste même quand on sait que l’objet supposé n’existe pas.’’ Kant dévoile ici la part de simulacre dans l’illusion en la qualifiant de ’’leurre’’. En effet, l’illusion, du latin ’’illudere’’, est une tromperie qui semble se jouer de nos sens, l’illusion sensible, ou de notre esprit, l’illusion intellectuelle. Proche de l’erreur, dans la mesure ou elle fait également intervenir un jugement erroné, elle s’en distingue également par la présence du désir qui la rend rebelle à toute réfutation rationnelle, c’est dans ce sens qu’elle ’’persiste’’. Ainsi la définition de Kant nous montre aussi sa racine indestructible. L’illusion est donc une image subjective de la réalité prise pour la réalité, c’est pour Platon une ’’ignorance redoublée’’, une ignorance qui s’ignore. Dans l’illusion nous serions donc victimes d’une puissance trompeuse qu’il faudrait vaincre. Mais comment alors perdre ses illusions, quelles armes sont en mon pouvoir pour faire face à ce voile qui s’entremet à mon insu entre mon esprit et la réalité ? Si l’illusion est considérée comme devant être dépassée malgré la difficulté que cela représente, quel en est l’intérêt, le gain que l’on peut en retirer ? La perte de nos représentations illusoires est-elle alors la condition de la vérité, de la lucidité, du bonheur, de la liberté ?
Cependant si dans l’illusion, nous sommes victimes, c’est bien souvent d’un piège que nous avons bâti nous mêmes. Pour Descartes, ’’nous conspirons avec nos illusions agréables pour en être plus longtemps abusés.’’. Il y aurait alors un aspect doux et chaleureux dans le monde illusoire qui vient, dans nos représentations, se substituer au réel en le rendant plus humain, moins dur. Faut-il vraiment alors systématiquement arracher toute illusion à l’homme ? A perdre ses illusions, est-on vraiment plus gagnant que perdant ? Est-ce à la portée de l’homme que perdre toutes ses illusions ?
Si d’un coté l’on considère que l’illusion est un mensonge