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L’ETRANGER Jamais roman n’a été aussi bien nommé tant ce qui nous interpelle d’abord est son caractère énigmatique.
Si l’incipit (ouverture romanesque) vise en général à présenter les personnages, mettre en place un décor, amorcer l’intrigue ou l’histoire à venir, ici on se heurte d’entrée à un personnage-narrateur dont les premiers mots n’auront d’autres effets que d’épaissir son opacité :
« Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. »
Phrases courtes, absence de liaison, structure grammaticale et vocabulaire basiques, tout semble avoir été pensé pour évacuer tout affect, tout pathos qui nous permettraient d’entrer en contact avec le héros, de reconnaître en lui une part d’humanité qui nous soit fraternelle ou tout au moins familière. La rencontre avec ce personnage, qui n’a pas encore de nom, est donc pour le lecteur un choc frontal.
La dernière phrase du roman ne nous inspire-t-elle pas de même une perplexité presque aussi grande ? Alors qu’il pense à son exécution prochaine, comment faut-il en effet entendre cette confidence singulière de Meursault: « Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine » ? Le lecteur de L’Etranger serait-il condamné à se heurter sans cesse à un mur invisible mais néanmoins infranchissable ? La psychologie de ce personnage serait-elle si atypique qu’il nous faille finalement accepter de jouir de la beauté dépouillée de ce texte magnifique tout en renonçant à en percer tout à fait les mystères ? -I-
Peut-on mourir heureux ? Souvenons-nous tout d’abord que L’Etranger n’arrive pas, dans la bibliographie d’Albert CAMUS, tout à fait par hasard.
Ce texte a été préparé par d’autres écrits : L’Envers et l’endroit en 1937, Noces en 1938 et La Mort heureuse écrit de 1936 à 1938 (jamais publié par