gombrich
L'idée qu'il doive y avoir un progrès nécessaire assigné par l'Histoire, nous vient de Hegel et de Marx ; cet « historicisme » ne repose sur aucun fondement. Marx, rappelle Gombrich, a bien tenté d'expliquer que l'Art était une superstructure des rapports économiques, et que le changement de ces rapports entraînait nécessairement des progrès de l'Art. Mais son modèle ne fonctionne pas. « Comparez Gênes et Venise sous la Renaissance : les deux villes ont connu des destins économiques analogues. Pourquoi, demande Gombrich, Venise est-elle devenue un grand foyer artistique, et non pas Gênes ? Cette différence est liée à l'apparition — tout à fait imprévisible — de génies dans l'une des deux villes, et non pas dans l'autre. »
Il n'y a donc pas d'« histoire » de l'Art, et l'Art en tant que tel n'existe pas. Seuls existent des artistes : « des hommes et des femmes auxquels est échu le don d'équilibrer formes et couleurs jusqu'à ce qu'elles sonnent juste, et qui ne se satisfont pas de demi-solutions, d'effets superficiels ou faciles ». L'histoire de l'Art n'est faite que d'une série de génies et de chefs-d'oeuvre qui défient toute explication rationnelle. Voilà qui rend en ce domaine la prévision tout à fait impossible.
La notion de progrès dans l'art, explique Gombrich, est d'autant plus absurde que les buts de l'Art et de l'artiste varient selon les civilisations. Dans l'ancienne Égypte, l'objectif des peintres n'était pas de copier la nature. La société attendait d'eux qu'ils représentent dans les sépultures, de manière précise, tous les éléments qui avaient environné le défunt au cours de sa vie terrestre. Un