Hegel
Hegel nous explique que l'ineffable n'est pas une pensée pure qui, comme on le croit d'ordinaire, existerait au-delà du langage mais que c'est une pensée obscure, inachevée, qui n'a pas trouvé le mot mais qui se coule déjà dans quelque forme potentielle. La pensée claire, la pensée achevée, c'est la pensée réfléchie, la pensée consciente d'elle-même. Or comment pouvons-nous avoir conscience de nos pensées si nous ne pouvons pas les poser pour nous comme des «objets» séparés de nous qui les pensons, c'est-à-dire si nous ne pouvons pas leur donner une forme objective, les extérioriser dans et par les mots.
C'est dans les mots que nous pensons. Nous n'avons conscience de nos pensées déterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les différencions de notre intériorité, et par suite nous les marquons d'une forme externe, mais d'une forme qui contient aussi le caractère de l'activité interne la plus haute. C'est le son articulé, le mot, qui seul nous offre une existence où l'externe et l'interne sont si intimement unis. Par conséquent, vouloir penser sans les mots, c'est une tentative insensée. Et il est également absurde de considérer comme un désavantage et comme un défaut de la pensée cette nécessité qui lie celle-ci au mot. On croit ordinairement, il est vrai, que ce qu'il y a de plus haut, c'est l'ineffable. Mais c'est là une opinion