Le mélange des genres et des tons
Le mélange des genres et des tons est un des traits les plus connus du drame romantique. Mais il est souvent réduit à une sorte de signe de reconnaissance, à un anticonformisme de surface, dont on aurait perdu de vue les intentions et les significations plus profondes.

Réaction et revendication

I-La réaction anti-classique

En refusant l'esthétique classique, en particulier la règle des unités, le drame romantique refusait également de respecter la séparation des genres qui distinguait nettement deux univers cloisonnés : la tragédie et la comédie. A la tragédie appartenait la noblesse, la grandeur, le sublime ; ses héros étaient ceux de l'Antiquité et de l'Histoire ; elle devait inspirer terreur et pitié. À la comédie était associée l'idée de modestie : ses personnages, ses buts, son propos et ses effets étaient plus « ordinaires » et plus proches de la réalité du spectateur. De la distinction des genres découlait celle des styles : noble ou élevé d'un côté, familier ou bas de l'autre.

II-La revendication du naturel

Une telle distinction apparaissait sans fondement aux yeux des romantiques dès lors que le drame se voulait plus proche du naturel. Si le quotidien pouvait mêler rire et larmes, pourquoi le drame ne mélangerait-il pas tragique et comique ? Rabelais ou Shakespeare fournissaient des exemples frappants d'un univers où tragique et comique étaient juxtaposés, voire concomitants. La plupart des drames romantiques pratiquèrent donc ce mélange des genres et des tons, moins par provocation que par choix esthétique, essentiellement au nom du réalisme.

III-Juxtaposition et contrepoint

En convoquant le rire et les larmes, les dramaturges romantiques ont permis à leur théâtre d'être le lieu des émotions et des passions. Les sentiments s'y expriment dans leur complexité, leur violence et leur excès. Hugo, Dumas ou Musset tirent de ce mélange ou de cette juxtaposition du tragique et du comique des effets