Histoire du chevalier de des grieux et de manon lescaut
1) L’arrivée et le récit de Tiberge
L’entrée en matière peut paraître un peu « floue » ou du moins peu précise par rapport à ce que l’on pourrait attendre : Des Grieux ne conforte pas le topos de l’amoureux qui compte les jours depuis le départ de sa moitié. Aucune allusion n’est faite à Manon directement. On est « six semaines après [son] rétablissement ». Mais si l’on regarde ce début en détail, on constate plusieurs choses : le silence que met Prévost sur l’état psychologique de Des Grieux ne trompe personne. Les indices qui nous montrent cela sont d’abords à la l.2 le topos du promeneur solitaire et du personnage maudit : il est seul, il marche le long d’une plage, il s’est isolé volontairement, perdu dans ses pensées, … Cette attitude d’isolement montre clairement sa douleur : elle n’est calmée qu’en surface, en apparence, il est dans un état de résignation, d’abattement, et non de guérison.
Donc on a affaire à un Des Grieux qui, malgré ses veux précédents p.217 et début 218, n’est pas du tout remis.
On constate que Des Grieux ne compte pas les jours depuis la mort de Manon, mais depuis son propre rétablissement. Cependant ce choix de Prévost ne doit pas être pris comme un mouvement égoïste de la part du chevalier : il n’est absolument pas passé à autre chose, au contraire. Face à l’absence de mention de Manon, le lecteur s’interroge doublement sur elle, avant Des Grieux en parlait constamment, son histoire d’amour était l’unique clé de voûte de cette histoire : changement de tactique et de style de Prévost qui en occultant tout à coup un élément central nous pousse à penser à lui. L’effet est tout aussi efficace que les lamentations de Des Grieux pendant l’ouvrage.
Donc l’attitude de Des Grieux trahit complètement l’objet unique de ses pensées : Manon. Puis soudain