En effet, les liens amicaux profonds revêtent, dans les romans de Clavel, l’aspect de liens familiaux. Reposant sur la confiance, l’amour et la solidarité, l’amitié est perçue par l’auteur comme une facette de la fraternité. Reconsidérons, à cet effet, la relation de Kid et Pierre. Il est aisé de remarquer que c’est au moment où ce dernier commence à éprouver un sentiment fraternel pour Kid qu’il se met à considérer les amis de celui-ci, notamment Gégène, comme les siens propres. L’ambiance de deuil étant propice à l’émotion, les obsèques de Gégène permettent à Pierre de réaliser à quel point il est attaché par un sentiment de fraternité non seulement à Kid, mais aussi à Gégène à propos duquel Kid déclare : « Gégène, c’était mon copain. J’aurais eu un frère, ça pouvait pas être autre chose… » 30. Par rapport à Kid, le statut de Gégène, aux yeux de Pierre, s’inscrit dans une relation triangulaire de « parenté » que l’auteur explique en ces termes : « Pierre ne savait pas comment répondre. C’était vrai… Il eut envie de dire que si Gégène était comme un frère pour le petit hercule, c’était par conséquent son propre parent… »31. Notons l’approbation du jeune homme disant : « […] c’était vrai. » Il reconnaît ainsi le lien fraternel entre deux grands amis parce qu’il en a souvent vu les manifestations, surtout de la part de Kid. Après la mort de Gégène, le jeune garçon continuera à constater les effets de la fraternité chez Kid qui, après avoir tant rêvé de la route et de la liberté, se résigne à rester sur place afin d’aider Angèle et les enfants, désormais sans soutien. Pierre appréciera également la fidélité de Kid qui ne parle de trapèze qu’en pensant intérieurement à Gégène comme le relate en effet le romancier : « Lorsque le petit hercule parle de trapèze, Pierre sait très bien qu’il pense à Gégène. Ce matin en descendant de la vieille Ford que Pierre a achetée pour tirer sa caravane, Kid a dit :
- Dans quinze jours, on sera à Lyon, et on ira sur sa tombe » 32.