Introduction à la phénoménologie Conformément à son étymologie, la philosophie n'est pas la sagesse, mais un amour ou un désir de sagesse. Qu'en est-il donc de la philosophie, de son objet propre, de son domaine d'étude ? Ou encore : qu'est-ce qu'elle a à nous dire que ne saurait nous apprendre le scientifique ou le religieux ? Car enfin, la philosophie ne saurait présenter un intérêt qu'en restant utile, c'est-à-dire en offrant un savoir irremplaçable, irréductible à celui que proposent notamment les sciences. La philosophie dispose-t-elle alors d'un domaine et d'opérations qui lui soient absolument propres, tels qu'aucune autre science ne puisse les lui confisquer ? Or pour assurer à la philosophie une fonction propre, il est d'usage de lui attribuer la tâche théorique de donner du sens, c'est-à-dire de rendre compréhensible des faits, des événements, et plus généralement de rendre intelligible le monde dans lequel nous vivons. Elle aurait également pour vocation éthique de nous apprendre à mieux vivre, en établissant rationnellement le but légitime de la vie humaine et les moyens efficaces d'y parvenir. Cette approche n'est pas tenable puisque nous n'avons pas, dans la vie quotidienne, de faits bruts, incompréhensibles ; nous savons toujours plus ou moins ce que sont les choses et ce que nous avons à faire. Nous n'évoluons pas dans un désert de sens qui justifierait un recours à la philosophie, à son aptitude prétendue à définir la nature des choses et le but de nos actes. Bien au contraire, le monde de tous les jours est saturé de sens : il est plein d'objets familiers que nous savons reconnaître et dont nous savons faire usage, plein d'affaires en cours dont nous comprenons plus ou moins les enjeux. La philosophie, pour nous, ne consiste pas tant à donner du sens qu'à défaire le sens, qu'à rompre avec le règne de l'opinion commune et de la moralité ambiante. A cet égard, elle ne promet aucun des gains de la science, aucun des secours de la religion, aucun