Juger autrui
La Sainte Ecriture est formelle là-dessus : on ne doit pas juger son prochain (Mt 7,1-5 ; Jc 4,11-12) car le jugement appartient à Dieu, qui scrute les cœurs et les reins et qui connaît parfaitement le cœur de l’homme.
Mais il semble que l’homme ne peut s’abstenir de se juger et surtout de juger son semblable. En d’autres termes, l’homme a toujours jugé ses semblables et a créé des structures impressionnantes pour, dit-il, « rendre justice », c’est-à-dire faire reconnaître aux coupables leurs fautes et satisfaire ceux qui se plaignent. Cette juridiction est aussi vieille que l’humanité.
La question qui nous est posée semble dire qu’il y a un moment où l’on doit juger autrui, que pour juger notre prochain, il faut remplir certaines conditions. Cette question revient donc à ceci : si on se sent sans fautes, innocent, peut-on s’en prévaloir pour juger l’autre ? Mais l’homme peut-il jamais se sentir, se dire irréprochable ? Notre raison semble répondre par la négative et insinuer qu’on ne doit jamais juger autrui.
Mais la question est bien posée : quand doit-on, peut-on juger autrui ? C’est comme pour dire qu’à partir d’un certain moment, l’on ne peut renoncer à juger sans manquer à quelque devoir. Pour répondre à cette question, nous allons donc considérer l’acte de juger autrui avant de nous prononcer sur la légitimité ou non de juger.
L’homme est un animal politique, un être intelligent qui forme une société avec ses semblables. Nous connaissons beaucoup d’êtres qui vivent en société, comme les fourmis. Dans la société des fourmis, les rôles ne sont pas distribués, chacune fait la même chose que les autres et est dirigée par l’instinct. Dans la société des hommes, outre que chacun a son rôle à jouer pour le bien de l’ensemble, chacun obéit à des règles, à des valeurs consensuelles. De plus, l’homme est créature de Dieu, qui lui a donné une parcelle de son intelligence infinie, une