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Lilyan Fongang Kesteloot
Nous avons naguère1 mis en évidence les relations intimes que les rois des épopées du Mandé entretenaient avec le mythe central de l’espace soudanais. Espace irrigué par cet immense fleuve Djoliba qui prend sa source en Guinée, traverse de part en part le Mali, puis le Niger, enfin le Nigeria. Le mythe cosmogonique fondamental associe ce fleuve à la création du monde avec l’aide des divinités Faro, Pemba et Mousso Koroni, qui vont structurer la répartition des rôles à l’intérieur d’une conception du pouvoir royal, que l’on retrouvera dans les divers récits épiques de cette région. Ainsi, face à la violence guerrière et incestueuse de
Pemba et de Mousso Koroni, se dresse la fonction mystique, nourricière et juridique de Faro, dieu d’eau, maître de l’ordre et de la fécondité, accompagné du forgeron Nunfayri, maître des techniques. Les rois et héros des épopées seront en quelque sorte les avatars de ces dieux, et animeront de leurs conflits des exploits « pleins de bruit et de fureur ».
Nous avons montré comment ce mythe s’était incarné dans l’épopée de Soundiata, respectivement en la personne de sa mère-buffle et celle de son père, pour donner au Mansa du Mali la force guerrière du chasseur et l’autorité mystique héritée de sa lignée royale. Ces deux dimensions associées deviendront les paradigmes du pouvoir mandingue à travers les épopées suivantes. Nous les relèverons au Sénégal avec la conjonction du « lamane » et du
« chasseur » dans les épopées wolof, tel que l’a démontré notre collègue Bassirou Dieng2.
Dans la geste de Ségou, le mythe évoque explicitement l’assistance spirituelle de Faro au fondateur du royaume, cependant que la violence de Pemba se manifeste dans les exploits sanglants du même maître chasseur Biton Koulibaly3, dont la devise sera « Djitigi, négétigi, ni matigi », c’est-à-dire Maître des eaux, Maître du fer et Maître des hommes.
Enfin,