La Chartreuse de Parme (1838) est probablement le roman le plus romanesque de Stendhal, celui qui offre le plus matière à rêver. Fabrice et Clélia y vivent un amour singulier, à la fois romantique et secret, très différent des passions grandiloquentes et verbeuses qui triomphent dans la littérature de l’époque. L’extrait qui nous intéresse est tiré du chapitre V ; des gendarmes arrêtent Fabrice, sa tante et sa mère, qui circulent sans passeport. Simultanément, le général Fabio Conti et sa fille Clélia sont arrêtés pour les mêmes raisons. La Sanseverina se fait passer pour la mère de Fabrice et, au final, l’incident se termine bien. Cette mésaventure est l’occasion d’un premier contact entre Fabrice et Clélia, qui n’a alors que 12 ans. Les deux futurs amoureux n’échangent que quelques mots, mais leurs regards en disent déjà bien long… Stendhal narre l’aventure et cette première rencontre dans le style léger et allusif qui est le sien. Nous verrons dans un premier temps comment Stendhal met parallèlement en scène une petite comédie sociale et la naissance d’un amour romanesque, puis nous nous intéresserons à l’opposition des deux protagonistes les plus actifs de cette aventure : Gina et Fabio Conti, qui incarnent respectivement la noblesse authentique, celle du cœur, et la noblesse formelle, celle du nom. Enfin, dans un troisième temps, nous étudierons la dimension programmatique de ce passage, dans lequel les thèmes et les événements les plus essentiels de La Chartreuse de Parme sont déjà