La crise du roman au 20e siècle
Protéiforme, se ramifiant en d'innombrables sous-genres, le roman est un genre littéraire particulièrement difficile à cerner. Toutefois, des constantes semblent se dégager, qui constituent les conventions romanesques : selon la définition du Grand Dictionnaire de la langue française, le roman est ainsi une « œuvre d'imagination en prose, assez longue, qui présente et fait vivre dans un milieu des personnages donnés comme réels, nous fait connaître leur psychologie, leur destin, leurs aventures ». Lorsque l'on ouvre un roman, on s'attend à y retrouver ces éléments : c'est ce que l'on appelle l'horizon d'attente du lecteur. Or, certains romanciers du XXe siècle ont pris le parti, dans leurs œuvres, de rompre avec les conventions romanesques, de déconstruire le genre. En quoi consiste cette « crise du roman » ?
1. Avant le XXe siècle, le roman est-il mis en cause ?
L'histoire littéraire est jalonnée de textes qui, bien avant la crise du XXe siècle, ont mis en cause le roman.
Déjà, Furetière, en 1666, révolutionne les conventions romanesques de son époque, d'une part en prenant pour personnages principaux de simples bourgeois (et non des aristocrates comme il était d'usage), d'autre part en construisant son récit de façon décousue, interrompant sans cesse la narration par des anecdotes, des commentaires, des fragments de discours, etc. Dans l'extrait suivant, il évoque avec humour la tradition des romans précieux qui veut que l'on rapporte en détail les paroles d'un amant venu enlever sa belle (ici, Javotte) :
Je ne tiens pas nécessaire de vous rapporter ici par le menu tous les sentiments passionnés qu'il étala et toutes les raisons qu'il allégua pour l'y faire résoudre, non plus que les honnêtes résistances qu'y fit Javotte, et les combats de l'amour et de l'honneur qui se firent dans son esprit : car vous n'êtes guère versés dans la lecture des romans, ou vous devez savoir vingt ou trente de ces entretiens par cœur, pour peu