LA: extrait d'un cahier d'un retour au pays
Les années 1930 voient se développer un désir d’émancipation de peuples jusqu’alors colonisés. Des voix s’élèvent, nourries de culture hellène et française, et de grandes figures telles que Senghor, Césaire et Damas saississent la plume pour transcrire cette volonté de donner à la culture « noire » ses lettres de noblesse. Cahier d’un retour au pays natal s’inscrit dans cette mouvance : le jeune Aimé Césaire revient à Fort-de-France en 1936 après ses études à Paris et il est confronté à la réalité de cette île. Il consigne sur un cahier les impressions qui le traversent. Nombreuses sont les versions de ce « retour » : Brentano’s, Bordas et Présence africaine, la définitive en 1956 dans l’édition Présence africaine.
La composition de ce recueil épouse le parcours existentiel ou spirituel d’un jeune homme de 26 ans qui revient dans son pays natal– la Martinique (Basse-pointe) - et transcrit sous la forme de longues séquences en prose puis en vers libres et en versets ce qu’il découvre avec son lecteur. Le poème se décompose en trois étapes : de la haine, l’introspection et les souvenirs d’enfance à la révolte raciale, politique et sociale selon deux grands mouvements ascendants du désespoir à l’espoir.
Le titre de ce « Cahier » invite à une expérience qui, bien que personnelle (le retour à la terre natale), est mise en scène par la parole d’un poète qui cherche à impliquer son lecteur. Ce retour aux sources se veut universel (d’où le choix de l’article indéfini « UN (retour) ») et dès l’ouverture, le ton polémique plonge l’auditeur-lecteur dans un dépaysement complet.
Fort de l’effet de surprise de l’anathème lancé à la Martinique, Césaire, dans l’extrait à commenter, accompagne avec éloquence celui qu’il convie à un parcours à la fois engagé et poétique.
A la déception initiale et au blâme, liée à la nostalgie d’une terre idéalisée par l’éloignement et le temps, il associe une vision rapprochée de la ville (p.8), de la foule (p. 9), du