la grenouille et le boeuf
Si La Fontaine a traité le sujet de ces « petits princes » qui veulent des représentants, c’est que le sujet était tout à fait à la mode. Bien d’ autres - dont Madame de Maintenon - avaient dénoncé cette pratique consistant à vouloir paraître d’un rang plus élevé que celui occupé réellement. Dans ses « Satires », V, Boileau fustigera aussi cette mode. Nous connaissons plusieurs titres à cette fable « La Grenouille tachant de devenir aussi grosse que le bœuf » (Ms. Sainte-Geneviève) ou « La Grenouille qui veut ressembler au bœuf » (version manuscrite conservée à la Bibliothèque de l’Arsenal). Peut-être La Fontaine lui-même a-t-il hésité sur le titre à donner à sa pièce.
Si le corbeau de la fable précédente se contente d’ouvrir le bec (orgueil qui ne lui coûte que son fromage), la grenouille va plus loin elle s’ implique totalement ; mais sa vanité lui fera perdre la vie.
Une grenouille vit un boeuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle et se travaille,
Pour égaler l'animal en grosseur,
Disant: "Regardez bien, ma soeur;
Est-ce assez? dites-moi: n'y suis-je point encore?
Nenni- M'y voici donc? -Point du tout. M'y voilà?
-Vous n'en approchez point."La chétive pécore
S'enfla si bien qu'elle creva.
Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages.
Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs ,
Tout prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages.
...qui se veut faire...: Tournure syntaxique classique dans laquelle le complément d’un deuxième verbe se place avant le premier (dans la « Préface » de La Fontaine pour son premier livre de fables, nous lisons « Cébès l’alla voir le jour de sa mort » pour « Cébès alla le voir le