La guerre de troie n'aura pas lieu acte 1scène 1
ANDROMAQUE. — La guerre de Troie n’aura pas lieu, Cassandre !
CASSANDRE. — Je te tiens un pari, Andromaque.
ANDROMAQUE. — Cet envoyé des Grecs a raison. On va bien le recevoir. On va bien lui envelopper sa petite Hélène, et on la lui rendra.
CASSANDRE. — On va le recevoir grossièrement. On ne lui rendra pas Hélène. Et la guerre de Troie aura lieu.
ANDROMAQUE. — Oui, si Hector n’était pas là !… Mais il arrive, Cassandre, il arrive ! Tu entends assez ses trompettes… En cette minute, il entre dans la ville, victorieux. Je pense qu’il aura son mot à dire. Quand il est parti, voilà trois mois, il m’a juré que cette guerre était la dernière.
CASSANDRE. — C’était la dernière. La suivante l’attend.
ANDROMAQUE. — Cela ne te fatigue pas de ne voir et de ne prévoir que l’effroyable ?CASSANDRE. — Je ne vois rien, Andromaque. Je ne prévois rien. Je tiens seulement compte de deux bêtises, celle des hommes et celle des éléments.
ANDROMAQUE. — Pourquoi la guerre aurait-elle lieu ? Pâris ne tient plus à Hélène. Hélène ne tient plus à Pâris.
CASSANDRE. — Il s’agit bien d’eux !
ANDROMAQUE. — Il s’agit de quoi ?
CASSANDRE. — Pâris ne tient plus à Hélène ! Hélène ne tient plus à Pâris ! Tu as vu le destin s’intéresser à des phrases négatives ?
ANDROMAQUE. — Je ne sais pas ce qu’est le destin.
CASSANDRE. — Je vais te le dire. C’est simplement la forme accélérée du temps. C’est épouvantable.
ANDROMAQUE. — Je ne comprends pas les abstractions.
CASSANDRE. — À ton aise. Ayons recours aux métaphores. Figure-toi un tigre. Tu la comprends, celle-là ? C’est la métaphore pour jeunes filles. Un tigre qui dort ?
ANDROMAQUE. — Laisse-le dormir.
CASSANDRE. — Je ne demande pas mieux. Mais ce sont les affirmations qui l’arrachent à son sommeil. Depuis quelque temps, Troie en est pleine.
ANDROMAQUE. — Pleine de quoi ?
CASSANDRE. — De ces phrases qui affirment que le monde et la direction du