La littérature en peril
Tzvetan Todorov:
La littérature en péril
(Paris, Flammarion, 2007. 96 pages)
Le récent livre de Tzvetan Todorov, La littérature en péril (Todorov, 2007), est avant tout un constat: le constat désabusé d’un chercheur qui estime que la critique et l’enseignement littéraires, ainsi qu’un certain nombre d’écrivains, ont, par leur désir de couper la littérature du monde, imposé de cette dernière une vision “réduite à l’absurde” (Todorov, op. cit.: 17). Une large partie du livre de Todorov est par conséquent consacrée à l’histoire des idées et retrace la manière dont cette théorie d’une littérature autonome s’est peu à peu imposée jusqu’à culminer avec le formalisme et le structuralisme. Mais le livre de Todorov n’est pas une simple analyse des origines de l’analyse sui generis de la littérature: c’est également un hymne d’amour à la littérature et au sens, ainsi qu’à la vérité de la littérature, cette vie transposée mais intensément vécue qui est l’un des plus beaux savoirs sur l’être humain et le monde. Résumons dans un premier temps la pensée de Todorov au sujet des origines de la théorie de la littérature comme forme coupée du monde. La littérature s’est probablement coupée du monde d’une certaine manière au dix-huitième siècle à travers la recherche du beau et la naissance de la science qui s’en occupe, l’esthétique; mais le siècle des Lumières, s’il voit naître des théories du beau, ne refuse pas néanmoins à la littérature un rapport avec le monde, la morale et une forme de vérité. Il en va de même au dix-neuvième siècle, même chez un poète comme Baudelaire, rattaché tout d’abord à la théorie de “l’art pour l’art”, mais dont on s’aperçoit vite qu’il cherche à retrouver
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ONOMÁZEIN 23 (2011/1): 183-190 Tzvetan Todorov: La littérature en péril
une vérité supérieure à la vérité scientifique dans la poésie. Le beau est un but, mais il est lié à la morale et au bien (Todorov cite l’exemple de Kant), ainsi qu’à une