La mort de kaya
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Catherine Boudet
Émeutes et elections à Maurice
La mort de Kaya, aléa ou échec de la construction nationale?
La mort en prison du chanteur Kaya, en février 1999, a déclenché à l’île Maurice les premières émeutes que le pays ait connues depuis son indépendance. Cet article souligne l’enjeu de ces violences dans le processus de construction nationale mauricienne, écartelé entre l’idéal de la «nation arc-en-ciel » et le modèle national unitaire. Les élections qui ont suivi la mort du chanteur semblent indiquer la pérennité du modèle communautaire. ou du moins régulé par la gestion de l’État pluriethnique, mais elles semblent ouvrir une période de crise qui, par la contestation de la légitimité de l’État, porte une atteinte sérieuse au processus de construction de la « nation arc-en-ciel » qui avait été engagé par l’indépendance, puis par la République souveraine.
À l’image des couleurs superposées de l’arc-en-ciel, les communautés forment les éléments de base de la nation mauricienne. Le terme de communauté y revêt une double acception, étant pris au niveau sociopolitique et au niveau constitutionnel: comme l’a souligné
J.-C. Lau Thi Keng, il relève à la fois d’une dynamique de défense des intérêts des groupes et d’une représentation parlementaire qui l’inscrit dans la constitution de la nation4. La «constitutionnalisation
» du concept n’a pourtant pas donné lieu à une définition rigoureuse du terme.
Depuis 1962, on reconnaît quatre communautés à Maurice : la communauté hindoue, la communauté musulmane, la communauté sinomauricienne et la population générale, qui regroupe les personnes n’entrant pas dans les trois premières catégories. La population générale inclue donc les personnes d’origine européenne
(les «Blancs» ou «Franco-Mauriciens»), mais aussi les personnes d’origine africaine
(appelées «créoles») ou métissée (que l’on distingue de ces derniers par le terme de «gens
de