La mort d'henriiv
la mort d'HenriIV
________
Le plus horrible accident qui soit jamais arrivé en Europe a produit les plus odieuses conjectures. Presque tous les mémoires du temps de la mort de Henri IV jettent également des soupçons sur les ennemis de ce bon roi, sur les courtisans, sur les jésuites, sur sa maîtresse, sur sa femme même. Ces accusations durent encore, et on ne parle jamais de cet assassinat sans former un jugement téméraire. J’ai toujours été étonné de cette facilité malheureuse avec laquelle les hommes les plus incapables d’une méchante action aiment à imputer les crimes les plus affreux aux hommes d’État, aux hommes en place. On veut se venger de leur grandeur en les accusant ; on veut se faire valoir en racontant des anecdotes étranges. Il en est de la conversation comme d’un spectacle, comme d’une tragédie, dans laquelle il faut attacher par de grandes passions et par de grands crimes.
Des voleurs assassinent Vergier dans la rue ; tout Paris accuse de ce meurtre un grand prince[2]. Une rougeole pourprée enlève des personnes considérables, il faut qu’elles aient été toutes empoisonnées. L’absurdité de l’accusation[3], le défaut total de preuves, rien n’arrête ; et la calomnie, passant de bouche en bouche, et bientôt de livre en livre, devient une vérité importante aux yeux de la postérité toujours crédule. Depuis que je m’applique à l’histoire, je ne cesse de m’indigner contre ces accusations sans preuves, dont les historiens se plaisent à noircir leurs ouvrages.
La mère de Henri IV mourut d’une pleurésie ; combien d’auteurs la font empoisonner par un marchand de gants qui lui vendit des gants parfumés, et qui était, dit-on, l’empoisonneur à brevet de Catherine de Médicis[4] ! On ne s’avise guère de douter que le pape Alexandre VI ne soit mort du poison qu’il avait préparé pour le cardinal Corneto, et pour quelques autres cardinaux dont il voulait, dit-on, être l’héritier. Guichardin, auteur contemporain, auteur respecté, dit qu’on imputait la