La mémoire des indigènes I. Les soldats indigènes durant la guerre Durant la première guerre mondiale, les bataillons noirs ont été jetés dans toutes les grandes offensives de la guerre, dont Verdun en 1916, et le Chemin des Dames en 1917. Ils ont pourtant été très loyalistes : on n’a compté qu’une seule mutinerie, en 1917. Les qualités militaires des tirailleurs étaient louées par leurs supérieurs et les hommes politiques, ainsi que par la presse qui leur courage, leur loyauté et leur civilité. Les préjugés racistes étaient très répandus, c’est pourquoi les Noirs ont été accueillis d’abord avec appréhension, parfois avec hostilité. Mais les peurs se sont effacées assez rapidement, et les soldats et travailleurs noirs, y compris les boys venus des Etats-Unis à partir de 1917 ont été dans l’ensemble bien traités par la population civile. Au front, il arrivait que des bagarres éclatent entre soldats, à la suite d’une insulte raciste par exemple, mais la camaraderie l’emportait en général, de sorte que des amitiés se sont nouées, prolongées par des visites dans les familles lors des permissions. Cependant, les autorités françaises souhaitaient limiter les relations entre les tirailleurs et la population blanche, civile et militaire. Leurs lieux d’entraînement étaient situés à distance de la population civile. Les permissions ne leur ont été accordées qu’en 1918, au moment où les autorités ont commencé à s’inquiéter de leur moral. Les tirailleurs ont gardé de bons souvenirs de leurs marraines de guerre, qui leur écrivaient des lettres, les invitaient parfois dans leur famille, et des infirmières qui veillaient sur eux dans les hôpitaux militaires. Les soldats noirs américains ont raconté à quel point la situation française différait de ce qu’ils vivaient chez eux. Ils pouvaient s’asseoir à la terrasse d’un café, se promener avec qui bon leur semblait sans faire