La narration dans aphrodissia, les nouvelles orientales de m yourcenar
La veuve Aphrodissia constitue un cas presque exemplaire de l’ensemble du recueil et pour cette raison là il nous semble juste de lui consacrer les pages qui suivent. Il s’agit dans ce sous-chapitre de suivre et analyser le point de vue qu’adopte la narratrice (focalisation si l’on veut utiliser les termes de Genette) et voir comment celui-ci correspond à la perception du personnage central du récit ce qui n’est pas le cas dans les autres nouvelles. Avant de commencer, il faut s’arrêter un instant sur la classification de Genette en ce qui concerne la focalisation :
«…nous rebaptiserons donc le premier type, celui que représente en général le récit classique, récit non focalisé, ou à focalisation zéro. Le second sera le récit à focalisation interne, qu’elle soit fixe, variable ou multiple, comme dans les romans par lettres, où le même événement peut être évoqué plusieurs fois selon le point de vue de plusieurs personnages-epistoliers…Notre troisième type sera le récit à focalisation externe,…où le héros agit sans que nous soyons jamais admis à connaître ses pensées ou sentiments….[1] »
On voit bien la distinction des trois types de focalisation et ce à quoi on s’intéressera dans cette analyse est la mise en application de cette typologie afin de montrer comment le récit appartient au second type. Il est important de noter que la nouvelle s’intitulait Le Chef Rouge dans la version de 1938 venant du surnom que porte l’amant de la veuve : Kostis le Rouge à cause de ses cheveux roux, « stéréotype d’une nature passionnée et violente[2]. » C’est en 1963 que l’écrivain a choisi de la recentrer sur la veuve Aphrodissia, en prenant soin de changer le titre. Certes, qu’elle nomme le sujet aimant ou l’objet d’amour le propos reste le même. Mais le choix d’Aphrodissia permet de souligner le rôle actif du personnage, qui porte, on va le voir, les souvenirs et conduit l’action à son