On lit parfois que le texte de la Saison peut être compris comme le récit d’une initiation qui s’achemine, depuis la ténébreuse Nuit de l’enfer, vers la lumière du Matin – et de fait, la prise de parole du poète semble se dérouler sous la voûte étoilée ! Il s’agit d’une voûte d’étoiles typographiques bien sûr, et je ne vais pas gloser plus avant ce signe conventionnel : en revanche il peut être intéressant de voir quels termes la critique a pu substituer à cette absence volontaire de titre. Car appeler ce passage inaugural « préambule, prologue, ou que sais-je…, c’est déjà lui donner un sens, en interprétant l’ouvrage entier selon des catégories génériques bien définies. En effet, on peut appeler ce morceau « préambule », et ce nom qui renvoie au genre de l’autobiographie – on pense au préambule des Confessions rousseauistes -, situe donc l’interprétation de la Saison dans la lignée de Verlaine qui y voyait une « prodigieuse autobiographie psychologique ». Ce choix du terme « préambule » invite à rechercher en priorité dans ce passage liminaire la clef du moi problématique qui s’exposera sous ses diverses facettes tout au long du texte : à déterminer sa teneur de vérité biographique, la part de la fiction dont il se pare et la valeur du substrat mythique qu’il revêt également. De plus, au nom d’un rapprochement de la Saison avec le genre théâtral, qui s’explique précisément par l’impression d’un dialogue entre ces « moi » multiples, d’autres lecteurs ont pu proposer le nom de « prologue », à l’image du prologue de la tragédie antique. Ce morceau introduirait le drame de la Saison en en exposant le sujet, et en narrant les événements antérieurs à cette crise proprement « tragique » du « je ». Ainsi, en parlant de prologue dramatique on présente ce premier texte comme un sommaire, un récapitulatif d’une sorte « d’avant le Déluge », c’est à dire du vécu « en amont » de l’écriture de la Saison : tout ce qui, en substance, prépare et explique le contenu