Malédiction poétique et recherche de l'absolu (complément au cours sur la poésie française dans la 2e moitié du XIXe siècle) D'autres poètes ont marché sur les traces de ces illustres devanciers, et leurs noms comme leurs œuvres, même s'ils sont moins fameux, méritent d'être cités, pour l'originalité de leur démarche poétique. Ils se sont souvent regroupés en confréries tapageuses : dans les années 1875-1885, les cabarets et les cafés de la Butte Montmartre et de la Rive Gauche sont envahies par les hordes des Hydropathes, des Hirsutes, des Zutistes, voire des Jmenfoutistes, qui multiplient les revues littéraires et que l'on a coutume de rassembler, à l'instar de Verlaine, sous le nom de décadents. Parmi eux, on compte trois poètes qui, dans les années 1870, ont pris leurs distances avec le Parnasse. Le plus âgé, Charles Cros (1842-1888), est d'abord un scientifique, inventeur du phonographe (1877). Mais il est aussi féru de mathématiques et de langues exotiques, et il se montre volontiers moqueur à l'égard des parnassiens, qu'il parodie dans les Dixains réalistes. Dans son principal recueil, Le Coffret de Santal (1873), alternent pièces humoristiques ("Le Hareng saur", "Brave homme") et morceaux précieux ou pathétiques, dont l'inspiration rappelle Baudelaire et annonce parfois Apollinaire. Tristan Corbière (1845-1875), Breton, voyageur et phtisique, doit pour sa part à la qualité de la révolte qui s'exprime dans ses Amours jaunes (1884), l'honneur d'être classé par Verlaine au rang des "poètes maudits". Son sens de la dérision à l'égard de ses prédécesseurs romantiques (Byron, Lamartine, Hugo) en fera un modèle pour Huysmans. Germain Nouveau (18511920), ami intime de Rimbaud, est, comme Maurice Rollinat (1846-1903), le poète des névroses, chez lequel se mêlent les souvenirs de Baudelaire et de l'auteur des Illuminations. Plus tard viendra chez Nouveau, sous l'influence du Verlaine converti, une inspiration plus mystique (Doctrine de l'Amour, 1883 ; Les Poèmes