La parole
La parole, expression et communication. Les deux intentions de la parole humaine sont complémentaires. L'expression pure, dégagée de toute communication, demeure une fiction, car toute parole implique la visée d'autrui. Rompre le silence, fût-ce même par un cri d'angoisse, ou par un chant sans paroles, c'est toujours s'adresser à quelqu'un, prendre à témoin, appeler à l'aide. Le pacte social de communication n'est jamais rompu que dans le sens d'une communication meilleure, l'anarchiste même ne refusant ici l'obéissance que pour affirmer la nécessité d'une obéissance plus vraie. Autrement dit, le refus de la communication comme fait implique la nostalgie de la communication comme valeur. Lorsque le surréalisme, à la recherche de l'expression pure, reniait toute discipline de pensée et lâchait les mots à l'état sauvage, il rêvait encore d'inventer une langue, neuve et fulgurante, - comme le prouve d'ailleurs le fait qu'il y eut un public surréaliste et des chapelles surréalistes, communiquant dans l'affirmation de certaines valeurs. Toute expression tend à obtenir la reconnaissance d'autrui. Je veux être connu comme je suis, dans ma dernière sincérité, des hommes et de Dieu même. J'attends cette reconnaissance comme une confirmation, comme une contribution à mon être. Inversement, l'idée d'une communication sans expression n'a pas de sens, parce que mon langage ne saurait être absolument désapproprié. Il n'existerait pas si une intention personnelle d'abord ne l'avait fait naître. Si je parle, c'est que j'ai quelque chose à dire; il faut toujours un je comme sujet de la phrase. Mon langage consisterait-il à « parler comme tout le monde », ne ferait-il que répéter ce qu'on dit autour de moi, encore signifierait-il que je me rallie à l'opinion commune, ce qui suppose l'engagement d'un geste d'adhésion, que j'aurais toujours pu refuser. Même si, par souci d'objectivité, je me taisais pour laisser la parole aux autres, il resterait que le Nous est un