La primauté du droit communautaire
Pierre Pescatore, dans son ouvrage intitulé L'ordre juridique des Communautés européennes déclare que la primauté est une «condition existentielle» du droit communautaire, qui ne saurait contribuer à la réalisation des objectifs dé nis par les traités de Paris et de Rome qu'à condition que son autorité ne puisse être battue en brèche par la volonté unilatérale des États appartenant à la Communauté. En effet, l'intégration exige l'unité et l'uniformité du droit communautaire, de sorte que les États ne sauraient prétendre opposer leur droit à celui de la Communauté sans lui faire perdre son caractère communautaire et sans mettre en cause la base juridique de la Communauté elle-même. Mais si le principe de primauté est de nos jours, en pratique, largement accepté par les juridictions nationales, force est cependant de constater que de sérieuses réserves persistent quant à son entière portée. C’est que la construction européenne conduit, sur un plan strictement juridique, à reposer, de façon très contemporaine et élargie, un problème qu’on pourrait quali er de kelsenien, celui de la hiérarchie des normes. Du point de vue la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) - récemment devenue Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)- la prééminence du droit communautaire ne peut être qu’absolue. Ce principe était d’ailleurs inscrit dans le projet de Constitution pour l’Europe rédigé par la Convention européenne entre 2001 et 2003. Or ce caractère absolu est sujet à caution dans l’ensemble des Etats membres, en ce qu’il remet en cause leur statut d’Etats souverains. L’enjeu est donc considérable puisqu’il engage, au delà des rapports de droit, la nature même de la Communauté. C’est cet écart qu’on s’efforcera de mettre en évidence, en abordant dans un premier temps, de façon générale, l’application de la primauté du droit communautaire dans l’ordre juridique des Etats membres, pour s’intéresser en second lieu à