La, princesse de clèves
LIBRAIRE
AU LECTEUR.
Quelque approbation qu’ait eu cette Histoire dans les lectures qu’on en a faites, l’Auteur n’a pu se résoudre à se déclarer, il a craint que son nom ne diminuât le succès de son Livre. Il sait par expérience, que l’on condamne quelquefois les Ouvrages sur la médiocre opinion qu’on a de l’Auteur, et il sait aussi que la réputation de l’Auteur donne souvent du prix aux Ouvrages. Il demeure donc dans l’obscurité où il est, pour laisser les jugements plus libres et plus équitables, et il se montrera néanmoins si cette Histoire est aussi agréable au Public que je l’espère.
La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat, que dans les 2 dernières années du règne de Henri second. Ce Prince étroit galant, bien fait, et amoureux ; quoique sa passion pour Diane de Poitiers, Duchesse de Valentinois, eut commencé il y avait plus de vingt ans, elle n’en était pas moins violente, et il n’en donnait pas des témoignages moins éclatants.
Comme il réussissait soit admirablement dans tous les exercices du corps, il en faisait une de ses plus grandes occupations. C’était tous les jours des parties de chasse et de paume, des ballets, des courses de bagues, ou de semblables divertissements. Les couleurs et les chiffres de Madame de Valentinois paraissaient par tout, et elle paraissait elle-même avec tous les ajustements que pouvait avoir Mademoiselle de la Marck sa petite-fille, qui était alors à marier.
La présence de la Reine autorisait la sienne. Cette Princesse était belle, quoiqu’elle eut passé la première jeunesse ; elle aimait la grandeur, la magnificence, et les plaisirs. Le Roy l’avait épousée lorsqu’il était encore Duc d’Orléans, et qu’il avait pour ainé le Dauphin, qui mourut à Tournon ; Prince, que sa naissance et ses grandes qualités destinaient à remplir dignement la place du Roy François Premier, son père.
L’humeur ambitieuse de la Reine lui faisait trouver une grande douceur à régner ; il sembloit