La vidéo engagée au Québec des années 1980 et 1990 La Révolution tranquille des années 1960 et la Crise d'octobre en 1970 ont permis l'avènement d'un art « populaire » et « militantiste. »1 Dans mon dernier texte, « La vidéo engagée au Québec des années 1970, » j'ai analysé comment ces tournants socio-politiques et artistiques ont influencé Pierre Falardeau et Julien Poulin dans la réalisation de leur long-métrage Pea Soup (1978).2 Le montage-collage, l'absence de trame narrative, la voix off, la démocratisation de l'art vidéo, la construction d'un « Nous virtuel […] à partir des Je ayant accompli leur révolution personnelle, ayant effectué leur prise de conscience,»3 sont quelques unes des caractéristiques de Pea Soup qui sont liées au contexte culturel québécois de l'époque.4 C'est en suivant la suite des choses que nous verrons comment la défaite du « oui » au référendum de 1980 et la montée du néolibéralisme5 changent la vision de l'art au Québec et, par le fait même, changent le portrait de la vidéo engagée. Robert Morin et Lorraine Dufour, réalisant la majeure partie de leur corpus vidéographique dans les deux décennies qui suivèrent, seront les artistes utilisés ici afin de suivre l'évolution de la vidéo engagée québécoise de Pea Soup (1978) jusqu'au Référendum de 1995. Nous verrons comment leurs vidéos Le voleur vit en enfer (1984) et Yes Sir ! Madame...(1994), en mettant en scène des « échecs répétés d’individus qui ont recours à une caméra pour découvrir qui ils sont et changer le rapport qui les unit au monde environnant, »6 « font étrangement écho aux tentatives des premiers praticiens de la vidéo de lier révolution de l’image et révolution sociale. »7 Il est tout d'abord intéressant de constater que Gwenn Scheppler, dans sa revue de l'histoire de l'implication social du documentaire québécois, affirme sans nuances que « Robert Morin a mené une œuvre passionnante et remarquable, mais rejetant foncièrement la politique.»8 En effet, si la décennie