La vie ne tient qu’à un fil

Il ouvrit les yeux péniblement et essaya sans succès de se lever. Autour de lui la pièce semblait bouger. Ce n’est que quelques minutes plus tard qu’il put poser son pied droit sur le parquet froid de son petit studio au dernier étage d’un immeuble au quatrième arrondissement de Paris, et encore, il avait eu de la chance que sa fenêtre donnât sur les fameuses gargouilles de Notre-Dame, mais « chance »n’était pas vraiment le mot à évoquer en cette journée pluvieuse et maussade surtout que les fameuses gargouilles en question semblaient le narguer. C’était aujourd’hui qu’il avait rendez-vous avec le docteur Cloud, le plus célèbre cancérologue de l’Ile-de-France, pour le verdict final. Il ouvrit son armoire et prit les premiers vêtements qui lui tombèrent sous la main puis s’habilla prestement. Il se lava ensuite la figure à grande eau et fixa son reflet dans le miroir. Cela se voyait, qu’il avait mal dormi, ses yeux bouffis ne demandaient qu’à en témoigner. Il avait le regard vitreux et une barbe de deux jours, ses cheveux décoiffés allaient dans tous les sens. Il s’était assez négligé ces derniers temps. Une vague de colère l’envahit. Pourquoi lui parmi tant d’autres ? La vie ne s’était-elle pas assez acharnée sur lui en lui ôtant si brutalement le grand amour de sa vie et sa petite fille âgée de trois ans ? N’avait-il pas eu son lot de malheurs dans ce monde impitoyable ? Son poing s’abattit avec fracas sur le miroir et de fines perles de sang suintèrent de sa plaie. Une douleur lancinante le déchira au niveau de sa main et une longue plainte s’échappa de ses lèvres entrouvertes. Il se précipita vers l’armoire à pharmacie et prit un bandage qu’il enroula à la hâte autour de son poing ensanglanté. Il s’effondra sur le sol et là, les larmes commencèrent à affluer, inondant ses joues. C’était la deuxième fois, de sa vie d’homme, qu’il laissait le chagrin l’envahir, et la douleur n’en était que plus forte. Il se releva et se traîna en