Laforgue printemps commentaire
Sonnet de printemps
Avril met aux buissons leur robe de printemps Et brode aux boutons d’or de fines collerettes, La mouche d’eau sous l’oeil paisible des rainettes, Patine en zig-zag fous aux moires1 des étangs.
Narguant d’un air frileux le souffle des autans2 Le liseron s’enroule étoilé de clochettes Aux volets peints en vert des blanches maisonnettes, L’air caresse chargé de parfums excitants.
Tout aime, tout convie aux amoureuses fièvres, Seul j’erre à travers tout le dégoût sur les lèvres. Ah ! l’Illusion morte, on devrait s’en aller3.
Hélas ! j’attends toujours, toujours l’heure sereine, Où pour la grande nuit dans un coffre de chêne, Le Destin ce farceur voudra bien m’emballer.
Jules Laforgue (1860-1887), Premiers poèmes.
Notes
1- moires : aspects changeants, chatoyants d’une surface. Mot souvent employé pour les tissus.
2- autans : dans la langue poétique, vents impétueux.
3- Dans une première version, le poète avait écrit : J’ai bien assez vécu, je voudrais m’en aller.
Pour information, voici un sonnet du XVI° siècle
RONSARD - Nouvelle continuation des Amours
Marie, levez-vous, ma jeune paresseuse, Jà la gaie alouette au ciel a fredonné, Et jà le rossignol doucement jargonné Dessus l'épine assis, sa complainte amoureuse.
Sus ! Debout ! Allons voir l'herbelette perleuse, Et votre beau rosier de boutons couronné, Et vos oeillets mignons auxquels aviez donné, Hier au soir, de l'eau d'une main si soigneuse.
Hier soir en vous couchant vous jurâtes vos yeux D'être plus tôt que moi ce matin éveillée; Mais le dormir