Le compte
A travers cette rencontre hautement symbolique entre Dieu et Freud, Schmitt signe un texte superbe, d'une grande intelligence et donnant une ouverture sur des concepts essentiels comme l'athéisme et le nihilisme contemporains. Une lecture remarquable que l'on conseillera à tous ceux désireux de comprendre pourquoi notre époque est si infâme et pourquoi Dieu est un concept hautement crédible en dépit de son apparente absence probable que vous deviniez un jour mon identité, pour l’heure, appelez-moi simplement Lilith Abigail.
Afin de démarrer en beauté ces Petites Chroniques, je vous conseille la lecture du Visiteur, d’Eric-Emmanuel Schmitt.
Que ceux qui prétendent ne pas aimer le théâtre se ravisent : cette pièce ne ressemble à rien de connu, si ce n’est à elle-même. L’action se déroule en Juin 1938. Freud, inquiet pour sa fille Anna enlevée par la Gestapo, reçoit l’étrange visite d’un homme élégant qui n’est peut-être autre que Dieu... Cette nuit-là, entre un vieil homme désabusé, ne croyant que ce qu’il voit, et le fameux Inconnu, se noue un dialogue étrange, drôle, émouvant et parfois terribe. A l’image de ces deux répliques :
"FREUD : Alors pourquoi l’avoir fait, ce monde ?
L’INCONNU : Pour la raison qui fait faire toutes les bêtises, pour la raison qui fait tout faire, sans quoi rien ne serait... par amour."
Cette pièce est d’une intensité rare. Certes, elle est courte : un seul acte. Elle est facile d’accès, avec une langue claire, simple, belle, mâtinée d’élégance certaine. Elle se lit vite parce qu’elle envoûte le lecteur, incapable de s’en détacher jusqu’à son dénouement. Avec cette oeuvre, Eric-Emmanuel Schmitt accomplit un petit miracle à lui tout seul :