Le droit à l'oubli en droit public
Il est des raisons pour douter de la pertinence de parler de droit à l'oubli en droit public. L'expression trouve son origine en droit privé, dans la doctrine (1) avant d'être utilisée parcimonieusement par le juge judiciaire (2) . Mais elle ne figure pas au registre des notions transfuges réceptionnées par le juge administratif ou le juge constitutionnel. Des institutions classiques, telles que l'intangibilité de l'ouvrage public (3) , l'imprescriptibilité des poursuites disciplinaires (4) , l'imprescriptibilité des archives publiques (5) ou les commémorations nationales (6) sont, entre autres, autant d'indices de la difficile acclimatation de l'oubli à l'environnement du droit public.
Il est également des raisons pour douter de la pertinence de parler de droit à l'oubli en général. L'expression n'a jamais été mentionnée dans un texte normatif (7) . En doctrine, son emploi n'est pas rare mais souvent affublé de guillemets, convention typographique connotant, pour l'occasion, une méfiance scientifique. Ainsi que l'évoque le professeur Roseline Letteron, « le juriste (...) ne semble guère concerné par ce phénomène psychologique qu'est l'oubli. Perte d'un souvenir, il ne peut être appréhendé de manière substantielle par le droit pour lequel il restera toujours une fiction. Si une norme juridique peut imposer le silence, elle ne peut en aucun cas imposer l'oubli » (8) .
Toutefois, les unes et les autres raisons ne suffisent pas à convaincre de l'inutilité, ou de l'inintérêt, à traiter du sujet. En revanche, ces objections préliminaires invitent à prendre, au moins, deux précautions méthodologiques. D'une part, il convient d'admettre que le droit à l'oubli peut exister en droit public sans que l'expression ait été expressément utilisée par la jurisprudence ou par les textes officiels. D'autre part, il importe de définir avec précision ce que l'on entend par « droit à l'oubli », de façon à distinguer cette notion de notions