Le désir peut-il se satisfaire de la réalité?
On désire ce dont on manque. C'est donc dans la privation, la déception, que le désir trouve son origine. Peut-il se satisfaire de la réalité ? On dit qu'il ne faut pas prendre ses désirs pour la réalité, car celle-ci ne correspondra jamais aux exigences des premiers : c'est ce qui la distingue du fantasme. Il convient donc de s'interroger sur les raisons de cette différence, les effets qu'elle produit et sa résolution possible. Si la réalité ne répond pas immédiatement à notre désir, faut-il la transformer, ou se changer soi-même pour ne plus être déçu ? Le désir n'est pas le besoin : il peut se porter au-delà et devenir une passion. Son insatisfaction est alors plus irrationnelle que réelle, subjective plutôt qu'objective, et met en cause notre imagination plutôt que la nature même des choses.
La sagesse ne serait-elle pas de limiter le désir au besoin ? La réalité suffit-elle à y répondre ? Que peut-on désirer au-delà ? Pourquoi vouloir la dépasser ? La perpétuelle insatisfaction du désir doit-elle nous faire viser une réalité plus haute ? Avons-nous une destinée plus élevée ? Qu'est-elle dans ce cas et qu'est-ce que le réel ? Il s'agit donc de s'interroger sur soi-même au travers de ses désirs et de leur insatisfaction chronique. Si la réalité ne leur suffit pas, il faut se demander d'où ils viennent et qui nous sommes pour les éprouver. La satisfaction étant le début du bonheur, il s'agit finalement de savoir si l'on peut vivre heureux ici-bas. Peut-on se satisfaire de ce qui est ? Que voulons-nous vraiment ?
I. La réalité n'est pas ce que l'on croit
Le désir ne peut se satisfaire de la réalité selon Platon, parce qu'il a pour objet l'éternité. Il naît du manque, de l'insatisfaction. Le philosophe qui le personnifie dans le Banquet sous les traits d'Éros, en lui inventant un père et une mère, nous dit qu'il est si insatisfait qu'il ne se satisfait même pas de son insatisfaction : à peine né, il veut se supprimer et vise son contraire,