le genie chez kant
Afindemieuxcomprendrenotretexte,ilconvientderappelerbrièvementàquels résultats sont parvenus les paragraphes précédents. Quand je dis "ce tableau est beau", j’énonce un jugement de goût. Mais les jugements de goût sont des juge- ments très étonnants et même paradoxaux. Car ils prétendent être vrais univer- sellement : en disant ce "tableau est beau", je veux dire que tout le monde doit partager ce sentiment; mais d’un autre côté, ces jugements ne peuvent pas être démontrés. Si, devant un tableau que je juge beau, quelqu’un me dit ne pas ap- prouver mon jugement, je ne puis lui prouver qu’il a tort, tout en étant persuadé que mon contradicteur devrait trouver beau ce tableau. Paradoxalement, le juge- ment de goût prétend être universellement valide, mais il ne peut être démontré. S’il le pouvait, ce ne serait plus un jugement de goût (c’est-à-dire un jugement qui se fonde sur le plaisir éprouvé devant une belle œuvre); mais un jugement scientifique. Mais si ce jugement de goût peut prétendre à l’approbation de tous (même si celaarrivetrèsrarement),c’estquel’œuvred’artn’estpasleproduitd’uncaprice ou d’une fantaisie déréglée. Toute œuvre d’art obéit à certaines règles, qu’il n’est sans doute pas très facile d’expliquer, mais dont il faut reconnaître l’existence. Une œuvre vraiment belle donne un sentiment d’unité et de cohérence interne qui ne peut être le fruit du hasard. L’objet de ce texte est de montrer que les beaux-arts sont les arts du génie. Le texte parle de l’art comme quelque chose de connu qu’il n’est pas besoin de définir. Ici il s’agit d’expliciter ce qu’est le génie.
1 Première définition du génie
Leconceptdegénieapparaitaudébutdutextesansaucunepréparation.Legénie, dit-il d’abord, est le "talent" qui "donne ses règles à l’art". Le génie est donc bien défini par rapport à l’art. Chaque œuvre d’art obéit à des règles mais ces règles ne sont pas démontrables, contrairement aux règles techniques. Tout le monde peut, par exemple, apprendre les