Le jeu de l'envers, antonio tabucchi
Théâtre est une nouvelle qui pourrait parfaire la définition même de ce genre littéraire donnée par Schlegel ; l’histoire de ce narrateur, au profil de l’intellectuel incompris pour le moins marginal, et de sa rencontre insolite, relève d’un banal fait de vie privée, mais qui devient, grâce à la plume de Tabucchi, un véritable journal de bord de jeune fonctionnaire colonial. Car c’est en effet grâce à sa parfaite connaissance et maîtrise de l’Histoire et à ses références culturelles nombreuses que Tabucchi s’inscrit dans le post-modernisme et parvient à de telles performances littéraire, donnant l’illusion de la lecture d’un journal de bord, où le héros partage ses expériences, ses pensées et sa rencontre avec Wilfried Cotton.
Comment ce journal de bord est-il mis en place et comment nous relate-t-il l’univers historique et psychologique dans lesquels s’inscrivent le narrateur ? Enfin dans une dernière partie nous nous intéresseront à l’intrigue principale et nous verrons en quoi les personnages de Wilfried Cotton et du narrateur sont des alter-égo et se ressourcent mutuellement.
I. Une réaliste reconstitution de l’univers afro-européen des années 1930
a) Des repère spatio-temporels qui font appel à la culture historique du lecteur
Dès le commencement de la nouvelle, le narrateur dresse le portrait de l’espace qui l’entoure. Le narrateur, qui est le héros de la nouvelle, dont on ne connaîtra par ailleurs jamais le nom, dévoile cet espace au travers de références historiques, qui font appel à la propre culture du lecteur. Plusieurs indices nous amènent en effet à penser que l’histoire se déroule à l’est de l’Afrique ; référence au fondateur britannique de la Rhodésie , Cecil Rhodes (chapitre 1, ligne 5) ; description de l’architecture coloniale du XIX° siècle, présence du fleuve le Zambèze à proximité (chapitre 1, ligne 8), ainsi que des frontières avec le Nyassaland (ancien